mardi 22 mars 2011

Larvothérapie

 Historique

Les habitudes charognardes de certaines mouches sont connues depuis des siècles. Une référence très ancienne paraît dans le Hortus Sanitatus, l’un des premiers textes médicaux européens, publié à Maintz en 1491. Peu de références historiques concernant les myiases existent mais l’une d’elles se trouve dans la bible (Job 7 :5) où Job se plaint ‘Mon corps est revêtu de vers et de croûtes, ma peau est ouverte et purulente...'

Il existe aussi des indications que certaines sociétés primitives connaissaient les effets bénéfiques des certaines mouches sur la cicatrisation de plaies infectées :
▪ Lors de cérémonies religieuses, les Mayas exposaient au soleil des pansements imbibés de sang de bœuf avant de les appliquer sur certains tumeurs superficiels.
▪ Au début de ce siècle le tribu aborigène des Ngemba en Australie utilisa fréquemment des larves pour la détersion de plaies gangreneuses ou purulentes, une pratique très ancienne qui remonte à leurs ancêtres lointains.
▪ Pendant la deuxième guerre mondiale on observa aussi l’application de larves et de pansements rudimentaires de boue et d’herbe chez les peuples montagnards du nord de la Birmanie2,3

Les larves en temps de guerre
A travers les siècles les blessures de guerre ont permis de nombreuses observations de plaies infestées de larves :   

▪ 
Ambroise Paré (1509 –1590) chirurgien en chef auprès de Charles IX et de Henri III constata l’infestation fréquente de plaies purulentes lors de la bataille de St. Quentin (1557).
▪ Le Baron Dominique Larrey, chirurgien en chef de Napoléon, cité par Goldstein4, rapporta que la présence de larves sur une blessure empêche le développement d’infection et accéléra la cicatrisation. Il constata également la détersion sélective, le tissu sain n’étant pas atteint par les larves. Il n’y a pas de preuve, cependant, que Larrey appliqua les larves délibérément aux plaies.
▪ Joseph Jones, un médecin militaire américain pendant la guerre de sécession nota les mêmes effets bénéfiques de myiases accidentelles. Chernin5
▪ Selon Baer6 et McLellan7 un autre médecin militaire américain, J. Zacharias, fut probablement le premier médecin occidental à appliquer des larves à une plaie en vue de la détersion et la cicatrisation.

La Larvothérapie au 20ème siècle
Le père de la larvothérapie moderne fut indiscutablement William Baer (1872-1931), professeur de chirurgie orthopédique à l’Université de Médecine Johns Hopkins dans le Maryland6.
Baer relata comment, pendant la première guerre mondiale, il soigna deux soldats blessés et perdus entre les lignes pendant une semaine. Ils souffraient d’une fracture ouverte du fémur, et de plaies étendues au niveau de l’abdomen et du scrotum. En arrivant à l’hôpital ils ne souffraient pas de fièvre ni de septicémie et ceci malgré l’exposition prolongée des plaies et l’absence d’eau ou de nourriture pendant huit jours. En déshabillant les soldats Baer trouva des milliers de larves recouvrant les plaies. Après avoir retiré les larves Baer constata que les zones blessées étaient entièrement recouverte du « plus beau tissu de granulation rose que l’on puisse imaginer ». A l’époque, le taux de mortalité suite à une fracture ouverte du fémur était de l’ordre de 75-80%. Crile et Martin9 soutinrent les observations de Baer par des témoignages similaires.

Après la guerre Baer soigna quatre enfants atteints d’ostéomyélite à l’hôpital de Baltimore en 1928. L’utilisation de ces larves non-stériles fut une réussite et les plaies cicatrisèrent en six semaines. Encouragé par ces résultats, Baer multiplia les traitements mais malheureusement plusieurs patients furent atteints de tétanos et il conclut qu’à l’avenir il devait utiliser des larves stériles.

L’importance de la stérilité
Baer consacra beaucoup d’efforts à la mise au point d’un procédé de stérilisation de larves6. Au début il tenta de stériliser les larves mêmes par l’exposition au peroxyde d’hydrogène pendant deux heures avant de les immerger dans une solution de chlorure de mercure 1/1000. Il put démontrer que  ce protocole permis effectivement de stériliser l’extérieur de la larve, des bactérie vivantes se trouvaient toujours dans l’intestin. Par la suite, il essaya de stériliser les œufs de la mouche pensant avec raison que l’intérieur de l’œuf serait naturellement stérile. Au bout de nombreuses expériences une technique efficace fut mis au point qui consistait de l’emploi d’une solution de chlorure de mercure 1/1000, 25% d’alcool et 0.5% d’acide chlorhydrique.

L’engouement pour la larvothérapie pendant les années 1930 provoqua la publication de nombreux articles décrivant les techniques d’élevage de larves de mouche stériles.10,11

Le groupe d’études de Livingston11 et Weil3 clama une certaine réussite dans la stérilisation de larves grâce à une solution d’iode mais la plupart des centres de production adopta la méthode de Baer et concentra leurs efforts à la stérilisation des œufs.3,6,10,12,13

La première production commerciale de larves
En l’absence d’autres remèdes efficaces pour le traitement d’ostéomyélite ou de plaies infectées, l’utilisation de larves se développa rapidement pendant les années 1930. Aux Etats Unis des larves de Lucilia Sericata furent produites par la société Lederle Corporation15 et proposées au prix de $ 5 les 1000 (l’équivalent aujourd’hui d’environ $ 100).

A la même époque, Robinson effectua le recensement de 947 chirurgiens américains ayant fait appel à la larvothérapie16. Il reçut 605 réponses de médecins ayant soigné un total de 5750 patients dont 91,2% exprimèrent une opinion favorable du traitement. Seul 4,4% donnèrent un avis négatif de la larvothérapie dû en général au prix des larves, du temps nécessaire à leur mise en place et au gêne dont se plaignaient certains patients. L’étude de Robinson fit état également de quelques 54 articles scientifiques traitant ce sujet publiés à l’époque.

En dehors des cas de tétanos constatés par Baer, et un cas d’érysipèle, tous associés à l’emploi de larves non-stériles3, aucun autre effet secondaire néfaste fut rapporté.

Le déclin de la Larvothérapie
Les années 1940 virent arriver l’ère des antibiotiques. Les sulfamides furent disponibles dès 1940 et Chain et al18 avait découvert les méthodes de production en masse de la pénicilline de Flemming. Par conséquent au milieu de la décennie, la larvothérapie avait pratiquement disparu, sauf en cas de dernier recours.
Les Modes d'Intervention des Larves
La Détersion
La détersion mécanique du tissu nécrosé constitue le principal préalable à la cicatrisation réussie des plaies chroniques. Sans détersion les processus de guérison et de cicatrisation demeurent diminués. Le tissu nécrosé est isolé de la circulation sanguine et ne peut être atteint par les cellules immunocompétentes. Il forme ainsi un obstacle mécanique à l’application de méthodes de traitement localisées. Ce tissu dévitalisé devient ensuite un milieu idéal pour la multiplication de bactérie et peut permettre le développement de gangrène. Dans les cas extrêmes, cette nécrose peut engendrer une défaillance d’organes multiples si les produits de décomposition toxiques et immuno-suppressifs migrent de la zone nécrobiotique de la lésion vers le système cardiovasculaire.
En général, on emploie des méthodes de détersion chirurgicales, d’émolients ( hydrogels) ou d’enzymes protéolytiques afin d’éliminer la nécrose. La détersion chirurgicale présente plusieurs inconvénients parmi lesquels on compte le retrait de tissu viable dont résulte un agrandissement de la plaie, l’infection de la plaie par contamination ainsi que les effets secondaires négatifs de la prise en charge de la douleur par l’emploi d’analgésiques.
Les larves de la Lucilia sericata se nourrissent par un procédé qu’on appelle ‘ digestion extracorporelle’. Elles distribuent leurs sécrétions   à la surface de la plaie. Ces sécrétions   comprennent un large éventail d’enzymes protéolytiques qui provoquent la liquéfaction rapide de tissu nécrosé. Ce mécanisme permet à la larve d’absorber la nécrose sous une forme semi-liquide. Dans des conditions idéales les larves peuvent croître par un facteur de 10 en 3 jours par l’ingestion de tissu nécrosé liquéfié. Il se produit une élimination efficace de la nécrose (ce qui est le but principal du traitement) sans, cependant, endommager le tissu sain. Cette technique de détersion peut être utilisée avec grande précision à la jonction entre le tissu sain et vivant et celui nécrosé (« détersion nécrotique spécifique »).
L’effet antimicrobien
« La Thérapie par larves : Un alternatif pour les plaies infectées »
L’infection des plaies représente toujours une complication médicale grave. Les processus les plus décisifs de cicatrisation ont lieu à la jonction entre le tissu sain et le tissu dévitalisé : si des organismes pathogènes migrent du tissu nécrosé vers le tissu sain, la plaie s’infecte. L’érysipèle, les abcès phlegmoneux, la lymphangite et le sepsis peuvent avoir des conséquences mortelles. Le but principal de toute forme de traitement est donc la prévention de la migration de l’infection au-delà de la surface de la plaie. Parmi les problèmes inhérents au traitement des plaies chroniques on peut noter la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques et antiseptiques (8), l’efficacité diminuée de l’antibiothérapie et les réactions allergiques et toxiques résultant de l’application de produits de résorption.

Le plus ennuyeux de ces problèmes, la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques systémiques, illustre bien le besoin de développement et de mise en œuvre de moyens de traitement locaux plus efficaces. 
L’activité antimicrobienne de la larve de mouche a été longtemps soupçonnée et fut démontrée scientifiquement pour la première fois dans les années 1930 (9). Ce phénomène est très probablement dû à certains facteurs compris dans les sécrétions   de l’asticot. Dès 1957, un facteur antibiotique identifié dans les sécrétions   d’asticot était décrit dans un papier publié dans Nature (10). Les résultats d’études récentes semblent confirmer l’activité antibiotique des sécrétions   de Lucilia sericata, même contre les souches résistantes à la methicillin telles que les Staphylocoques. Ce qui est encore plus intéressant est l’action spécifique des sécrétions   qui s’attaqueraient principalement aux bactéries Gram positif (11, 19).
Les facteurs responsables de ces effets n’ont pas encore été définitivement identifiés. On suppose que certaines substances telles que l’ammoniaque ou le carbonate de calcium alcalisent les plaies au point où il est difficile ou même impossible pour les bactéries de les coloniser (12). L’acide phénylacétique et  la phenylacetaldehyde ont été par ailleurs mis en évidence dans les sécrétions  intestinales de la larve (13). Une action antibiotique pourrait aussi être attribuée à l’allantoïne contenue dans ces mêmes sécrétions (14). De nombreux chercheurs pensent que ces sécrétions   contiennent un certain  nombre de substances encore non-identifiées pour l’instant. 
En plus des sécrétions produites par les larves, leur système digestif contribuerait également à réduire le nombre d’organismes pathogènes. Mumcuoglu et al. ont démontré que des bactéries E. Coli colorées sont ingérées et métabolisées par l’asticot (15). Shakibaei et al. ont aussi  montré que des larves qui traversent une culture de bactéries laissent derrière elles un tracé libre de ces mêmes bactéries. Lors de l’examen histologique de ces larves, les bactéries (Staph. aureus isolés de patients) furent à nouveau retrouvées dans l’appareil digestif, en général sous forme de lysat. C’est pour cette raison que le Pr. Shakibaei considère la larve de mouche comme une « vraie bactériophage » (16).
La Stimulation du tissu de granulation
Jusqu’à présent les chercheurs pensaient que la prolifération cellulaire accélérée observée lors de l’utilisation de larves était due principalement à la stimulation mécanique du lit de la lésion par les excroissances kératineuses des larves lors de leurs déplacements sur la plaie.
Des études récentes ont montré que les sécrétions   produites par Lucilia sericata seraient aussi capables de stimuler la croissance de fibroblastes chez l’homme. De plus, ces sécrétions   semblent capables d’accroître, de façon significative, l’effet de stimulation de fibroblastes fourni par les cytokines humaines, telle que l’Interleukine 6, un facteur de croissance de l’épiderme (17). Cet effet de stimulation de la croissance a également été observé sur des chondrocytes à croissance lente (18).  Shakibaei a examiné l’impact de sécrétions   de larve sur la fonctionnalité de chondrocytes dans une culture à trois dimensions en se servant de l’immunofluorescence et du microscope électronique. Le facteur de croissance humain IGF, dont on connaît bien les effets chondroanaboliques, servait de contrôle positif. Cette étude a montré qu’un extrait de protéine soluble à l’eau, dérivé d’un Lucilia Sericata, produit un effet équivalent à celui de 100 ng IGF. La prolifération de chondrocytes, ainsi que la synthèse de collagène de type II, augmentent dans un environnement de sécrétions   de larve. Lors d'études ultérieures le Pr. Shakibaei tentera de déterminer si ces effets peuvent être observés sur d’autres types de cellules telles que les ostéoblastes, par exemple. Il est également prévu de tenter d’isoler des sécrétions   les mono substances responsables.

D'autres travaux récents ont fourni des indications de la présence de facteurs de croissance dans les sécrétions de larves. En plus d’un équivalent du facteur XIII, on soupçonne également la présence de défensines et d’isothiocyanates. Des travaux de recherche complémentaires seront néanmoins nécessaires pour identifier ces substances avec certitude.
La détersion, l’activité antimicrobienne et la stimulation du tissu de granulation seraient les principaux mécanismes de cicatrisation apportés par la larve de mouche. L’action conjuguée complexe de ces mécanismes serait unique et en ferait un partenaire indispensable dans la gestion de plaies chroniques.
 


Effectuer son premier traitement
 
S’agissant de l’utilisation thérapeutique d’animaux vivants, la Larvothérapie impose une logistique spécifique. Ne pouvant être conservés ni stockés, les traitements sont expédiés depuis l’unité de production au Pays de Galles vers le lieu d’utilisation 24 heures avant le début du traitement afin d’y arriver au jour ‘J’ où  ils seront mis en place sans délai.
Un cycle de traitement de Larvothérapie dure entre 3 et 4 jours. Afin de ne pas interrompre une suite de plusieurs cycles de traitement on doit également tenir compte des week-ends, jours fériés etc.
La bonne planification et coordination de l’ensemble du traitement est donc indispensable à sa réussite, en voici les différentes étapes [voir aussi le schéma : fichier Pdf (4Ko)] :
1/ Déterminer la date du début du traitement
Un vendredi est recommandé car le premier cycle de traitement se déroulera sans interruption pendant le week-end. S’assurer aussi que les livraisons sont bien effectuées le jour en question. Voir les dates dites ‘d’embargo’ pour 2008 : fichier Pdf (15 Ko)
2/ Mesurer la plaie et choisir la dimension du ou des sachets-pansements à mettre en place
Les sachets doivent couvrir le plus complètement possible la superficie de la plaie sans pour autant déborder trop sur les berges de tissu sain. Voir guide : fichier pdf (31 Ko)
3/ Aussitôt la date de traitement connue, faire la demande d’ATU
C’est au médecin prescripteur de transmettre l’ordonnance au pharmacien de l’établissement qui fera la demande auprès de l’AFSSAPS. Penser à bien indiquer la date de début de traitement et de demander une durée d’ATU de 15 jours, ce qui permettra, le cas échéant, d’enchaîner plusieurs cycles avec la même ATU.
4/ Au plus tard à J-1. Interrompre tout traitement topique susceptible de nuire aux larves (hydrogel, nitrate d’argent, antiseptique etc.) et bien en éliminer les résidus par rinçage au sérum physiologique.
5/ Au plus tard à midi au jour J-1
Passer commande du ou des traitements par fax en joignant copie de l’ATU. Bien indiquer les coordonnées complètes du lieu de livraison. Voir un bon de commande type : fichier pdf (18 Ko)
6/ Au jour J
Mise en place du traitement suivant scrupuleusement les indications fournies par le producteur.
7/ A J+1, J+2 et J+3
Effectuer un examen de la plaie. S’assurer que les larves sont bien vivantes, actives et en croissance. En cas de doute sur ce point, contacter le producteur. Remplacer la compresse extérieure et refaire le pansement. Si la détersion n’est pas terminée à J+3 et on souhaite continuer le traitement, commander un ou des pansements de remplacement pour le lendemain.
8/ A J+4
Dans tous les cas, arrêter le traitement en cours et remettre les sachets-pansements aux containeurs de déchets contaminés. Le cas échéant, mettre en place le 2ème traitement.

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